Bruno Retailleau : “Je veux tout changer à droite”

Président du groupe Les Républicains au Sénat et candidat à la présidence de LR, Bruno Retailleau dévoile son projet dans le JDD. « Si on se contente de ripoliner la façade du parti, on est morts. Il faut tout changer. La marque « Les Républicains » est morte. Je veux construire un parti populaire et patriote capable de rassembler tous les électeurs de droite », explique-t-il dans nos colonnes. Avant d’ajouter : « Nous travaillerons d’abord sur les idées, en renvoyant la question de la présidentielle après les européennes. »

Si vous êtes élu président des Républicains, qu’est-ce qui changera à LR ?
Si on se contente de ripoliner la façade du parti, on est morts. Il faut tout changer. La marque « Les Républicains » est morte. Je veux construire un parti populaire et patriote capable de rassembler tous les électeurs de droite. Pour cela, il faudra d’abord le rendre à ses militants. Si je suis élu, ils trancheront, par référendum interne, nos grandes orientations. Et nous travaillerons d’abord sur les idées, en renvoyant la question de la présidentielle après les européennes. Parce qu’incarner c’est bien, mais incarner quelque chose c’est mieux. Les primaires ont été exclues de nos statuts et je ne compte pas les y remettre, ce sera donc à nos militants de choisir.

La droite de demain doit-elle être libérale, conservatrice, sociale, ou populaire ?
Ce qu’elle ne doit pas être, c’est une synthèse molle. Je ne veux pas d’une droite à mi-temps. Mais ne nous perdons pas dans des querelles d’étiquettes. La droite doit, surtout, incarner une nouvelle espérance pour les Français qui voient la France dégringoler et se défigurer. Il lui faudra s’attaquer aux deux grandes angoisses françaises : celle du déclassement du niveau de vie des Français, et celle de la dépossession de leur mode de vie.

Que préconisez-vous ?
Pour retrouver le chemin de la prospérité, il faut dire la vérité : ce n’est pas avec des chèques en bois et de la dette que l’État fabriquera du pouvoir d’achat, mais par le travail qui seul permet d’augmenter les salaires. Oui, il faudra sortir des 35 heures par le référendum d’entreprise. Je proposerai la fusion des minima sociaux dans une allocation sociale unique capée à 75 % du smic pour assumer l’écart entre les revenus du travail et de l’assistance. Une allocation n’est pas un dû : la solidarité nationale doit se mériter.

Qu’entendez-vous par « dépossession » ?
Nous vivons une crise de civilisation qui frappe d’abord les Français les plus modestes. Eux n’ont pas les moyens, comme Pap Ndiaye [ministre de l’Éducation nationale], de scolariser leurs enfants à l’École alsacienne, ni d’habiter à l’écart de la violence et de l’immigration incontrôlée. Notre État est devenu impuissant et notre nation, archipélisée, se disloque.

En quoi l’État est-il « impuissant » ?
Le pouvoir est en train de passer aux mains des juges. Donnons-nous les moyens de nous gouverner nous-mêmes. Au nom des libertés individuelles, des Cours européennes ou constitutionnelles empêchent l’État de protéger les Français. Nous devrons donc modifier la Constitution pour créer un « bouclier constitutionnel » : dès lors qu’il s’agit de nos intérêts vitaux – sécurité, immigration, laïcité… – , la loi française ou la voix des Français, via le référendum, doit s’imposer sur toute autre décision, notamment de la CEDH ou de la Cour de justice européenne. Je souhaite aussi inscrire dans la Constitution une « charte de la sécurité et de l’ordre républicains », sur le modèle de la charte de l’environnement, pour garantir demain des mesures puissantes, comme la rétention de sûreté pour les terroristes ou l’instauration de peines minimales. Sans cela, même votées, ces mesures seraient aussitôt contredites par des jurisprudences. Nous devons rebâtir ainsi notre souveraineté juridique, tout comme il faudra restaurer nos souverainetés énergétique, alimentaire, numérique. L’autre urgence, c’est de refaire notre nation.

C’est-à-dire ?
La droite doit mener la bataille contre ceux qui veulent déconstruire notre civilisation : wokistes, islamo-gauchistes, communautaristes. Cette gauche dure, qui avance dans le ventre mou du « en même temps », est un danger pour la République. Face au parti de la déconstruction, la droite doit être celui de la reconstruction française autour d’un triptyque : transmission, assimilation et politique familiales. Défendre la transmission de nos valeurs suppose, par exemple, de promouvoir une école de l’exigence et de l’autorité où on célébrera les héros français, où la priorité sera donnée aux matières fondamentales et où une tenue uniforme interdira la prolifération des tenues religieuses. Face à l’immigration qui a bouleversé notre société, nous devons assimiler mieux, donc accueillir moins. Le séjour irrégulier doit redevenir un délit. On doit affirmer qu’un étranger entré illégalement sur notre territoire ne sera jamais régularisé, qu’un étranger condamné sera expulsé. Enfin, la droite doit porter une politique familiale, que Hollande et Macron se sont ingéniés à détricoter, parce qu’une société se structure d’abord par ses familles. Souveraineté de l’État et unité de la nation : voilà notre ligne. Voilà comment la droite peut s’attaquer aux racines du malheur français.

Si vous êtes élu président de LR, excluez-vous d’être candidat en 2027 ?
Que ce soit bien clair… je ne suis candidat qu’à une seule chose, tout changer à droite : parti, méthode, logiciel. Mon seul objectif est de redresser ma famille politique pour que le mieux placé puisse l’emporter en 2027.

En évoquant les « conservateurs », Nicolas Sarkozy a déploré dans le JDD que les idées de la droite « soient caricaturées par des attitudes profondément réactionnaires » sur l’IVG ou le mariage homosexuel. Que lui répondez-vous ?
C’est triste qu’un ancien président de droite reprenne les arguments de la gauche, qui a toujours cherché à nous tétaniser en nous caricaturant. Je rappelle que Nicolas Sarkozy avait promis d’abroger la loi Taubira. Ces questions touchent au fort intime de chacun et appellent donc des réponses prudentes lorsqu’il s’agit de légiférer.

Quelles sont les vôtres ?
Je souhaite un moratoire sur les questions sociétales. Dans une France divisée, n’ajoutons pas de nouvelles fractures.

Emmanuel Macron a dit mardi « souhaiter » une « alliance » avec LR. Nicolas Sarkozy la souhaite aussi. Pourquoi pas ?
Une alliance est impossible parce que nous n’avons pas les mêmes convictions. On n’est pas un président de droite quand on ne veut pas mettre fin au laisser-aller migratoire, mais répartir les migrants dans les campagnes. Quant à son bilan économique, notre pays est le plus mal géré d’Europe, avec un double déficit, budgétaire et commercial, qui est abyssal.

Si vous êtes élu, excluez-vous tout accord électoral avec Le Pen ou Zemmour ?
Oui parce que je veux l’union de la droite par les électeurs, pas par les appareils. Mais je n’ostraciserai jamais ceux qui ont été déçus par nos lâchetés et nos reculs, et qui ont préféré voter Le Pen, Zemmour, Macron ou s’abstenir. Pour gagner demain, nous devrons trouver le point d’équilibre entre toutes les droites et assumer enfin nos convictions.

Qu’est-ce qui vous distingue d’une Giorgia Meloni en Italie ?
Je la jugerai à ses actes. J’étais stupéfait qu’on la juge avant même qu’elle ait commencé à agir.

LR ayant refusé de s’associer à la motion de censure RN-Nupes, Mélenchon évoque sa « larbinisation »…
J’ai une autre ambition pour LR que d’être la force d’appoint du macronisme ou le marchepied de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Quand nous déposerons une motion de censure, le gouvernement tombera. Mais ce sera en fonction de notre calendrier, car soyons lucides : nous ne sommes pas prêts à gouverner. Nous devons d’abord nous refonder, c’est le sens de ma candidature


Publié le