Il aura fallu moins de deux jours pour que le débat sur l’immigration passe de l’examen des propositions de Gérald Darmanin à la foire d’empoigne sur les déclarations de Grégoire de Fournas. Deux jours seulement pour que l’accessoire passe devant l’essentiel. Deux jours pour que la démocratie descende des bancs de l’hémicycle jusqu’aux planches d’un mauvais théâtre.
Qu’on me comprenne bien : pour moi l’excès est toujours une faiblesse et l’intervention de ce député RN était pour le moins inopportune. Si les députés pouvaient d’ailleurs cesser de s’interrompre et de gesticuler pendant les débats, notre démocratie ne s’en porterait que mieux.
Seulement, l’excès dans cette affaire est largement partagé. Le compte-rendu de la séance montre que, manifestement, Grégoire de Fournas ne visait pas son collègue mais le bateau de migrants que ce dernier évoquait. Peut-on sanctionner un parlementaire parce qu’il réclame que des clandestins soient ramenés sur leur continent d’origine ?
Chacun a le droit de défendre la politique migratoire qu’il juge bonne pour la France. Mais personne ne peut considérer comme raciste le fait de réclamer le retour des clandestins. Car si tel est le cas, l’idée même d’exécuter les OQTF est raciste : plus aucune expulsion n’est possible.
C’est précisément ce que vise l’extrême-gauche : criminaliser toute forme de fermeté migratoire, en créant une extension infinie du domaine du racisme. Ces procès d’intention ont trop longtemps terrorisé le reste de la classe politique, ce qui explique que, depuis 30 ans, la main de nos gouvernants ait toujours tremblé lorsqu’il s’agissait de réguler l’immigration dans notre pays.
Je constate avec tristesse que cette entreprise d’intimidation fonctionne encore. Quant à moi, je n’y céderai pas, même pour affaiblir le Rassemblement National que je combats par ailleurs. D’abord parce que la confrontation des idées n’interdit pas l’honnêteté. Mais surtout parce que cette affaire révèle le fossé béant qui se creuse de plus en plus entre la vie politique et la vie des Français. Au milieu de leurs difficultés, ils attendent plus, et surtout mieux, que des querelles surjouées.
Bruno Retailleau