Tribune dans l’Express du 21 novembre 2023 – Le patron du groupe Les Républicains au Sénat s’insurge contre ce qu’il appelle « la folle ronde des revirements macroniens » depuis le 7 octobre et dont n’émerge selon lui qu’une seule figure : celle du président manquant.
On a coutume de dire que les crises révèlent les hommes politiques : pour le meilleur, lorsqu’il s’agit de Charles de Gaulle ou de Winston Churchill ; mais parfois aussi pour le pire. C’est le cas aujourd’hui, malheureusement, d’Emmanuel Macron. Car c’est bien le pire du macronisme qui, dans la crise ouverte par l’attaque terroriste du Hamas, condamne la France au recul.
Recul de sa crédibilité, tout d’abord. Emmanuel Macron l’a gravement abîmée lorsqu’après avoir appelé à une improbable coalition internationale contre le Hamas – que personne ne demandait, à commencer par les Israéliens ! – il plaide subitement pour un cessez-le-feu, pour finalement appeler le président israélien afin de tenter d’éteindre l’incendie diplomatique qu’il a lui-même allumé… « Tout ce qui est excessif est insignifiant » soulignait Talleyrand ; en l’occurrence, les excès d’un président qui, brûlant d’envie de jouer les premiers rôles sur la scène internationale, multiplie les retournements, au risque de renvoyer la France en coulisse. Car confondre la politique de l’équilibre avec celle de la pirouette, c’est oublier l’évidence : pour qu’un Etat tienne son rang, encore faut-il que son chef tienne sa ligne ! Quelle est celle d’Emmanuel Macron ? Nul ne le sait, ni dans l’Orient compliqué, ni dans l’Afrique fracturée. A l’extérieur comme à l’intérieur, le « en même temps » n’en finit pas de désespérer. Et la France, de reculer. De notre retraite au Sahel à cette volte-face au Proche-Orient, il ne restera rien de la diplomatie d’opérette d’Emmanuel Macron, sinon la blessure d’une humiliation nationale.
Mais il est un recul plus blessant encore : celui d’Emmanuel Macron, le 12 novembre dernier. Le président omniprésent était absent. L’homme de l’instant n’a pas su être l’homme du moment : alors que par peur des agressions, des compatriotes juifs enlèvent leur mézouza de leur porte, Emmanuel Macron est resté derrière la sienne, à l’Elysée. Il aurait pu battre le pavé aux côtés des nombreux Français venus marcher contre l’antisémitisme, mais a préféré battre en retraite devant Jean-Luc Mélenchon. Il aurait pu répondre à l’appel républicain de Gérard Larcher et de Yaël Braun-Pivet, mais a choisi de suivre les conseils communautaristes de Yassine Belattar. Au risque, d’ailleurs, de faire le jeu des islamistes.
Car déclarer, comme il l’a fait, que marcher contre l’antisémitisme, « ce n’est pas mettre au pilori nos compatriotes musulmans » est proprement inconscient. Ces propos servent objectivement la stratégie des Frères musulmans, qui consiste précisément à agiter l’épouvantail de « l’islamophobie » pour détourner l’attention sur la montée du nouvel antisémitisme. Et c’est le même Emmanuel Macron qui, hier, appelait à « faire bloc » contre le séparatisme islamiste !
Quelle leçon tirer de ces dernières semaines où, devant les yeux étourdis des Français fatigués des contorsions macroniennes, et sous le regard ébahi du monde devant tant de contradictions, notre exécutif ne s’est pas grandi ?
Cette leçon, c’est qu’un pouvoir inconstant finit fatalement par être inconsistant. Car dans ce vide de sens créé par le « en même temps », les Français recherchent désespérément un président. En 2015, discourant sur le déficit d’imaginaire collectif, Emmanuel Macron s’était exclamé : « Le roi n’est plus là. » Mais le président non plus ! Car de la folle ronde des revirements macroniens n’émerge qu’une seule figure : celle du président manquant. Manquant à sa fonction qui est de dire ce qu’il pense, et non de dire à chacun ce qu’il veut entendre. Manquant à la Nation car le rôle d’un président est à la fois de se tenir au-dessus des partis et au milieu des Français lorsqu’ils manifestent leur unité. Or Emmanuel Macron adopte la position contraire : à Saint-Denis, il prend la pose au milieu des partis, mais prend la fuite lorsque les Français se mobilisent massivement pour la République.
Il reste encore trois ans à Emmanuel Macron pour qu’enfin, il préside utilement. Je le souhaite sincèrement. Car aucun gaulliste ne peut se réjouir de voir le pouvoir exécutif disparaître dans les tourbillonnements du « en même temps ». Des déficits qui se creusent aux fractures françaises qui s’élargissent, Emmanuel Macron doit trancher. C’est le rôle d’un président. S’il ne le fait pas, il laissera derrière lui, en 2027, une France encore plus déclassée et divisée. Trop de temps a été perdu, mais il n’est pas trop tard : s’il le veut, Emmanuel Macron, qui ne craint pas une réélection, peut encore donner une vraie tête à l’Etat et un vrai cap à la France.