La France s’arrête peu à peu. Faute de carburant, les activités économiques ralentissent. Même si la situation est différente d’un territoire à l’autre, dans un département comme la Seine-et-Marne, près de 60% des stations-service sont fermées. En l’absence d’information en temps réel, les activités économiques s’interrompent. Dans deux jours, une raffinerie betteravière devra s’arrêter. Les services essentiels aux populations (services de soins, services d’aide aux personnes âgées, transports scolaires) ne sont plus assurés ou sont menacés. La situation n’est guère meilleure sur l’arc Atlantique ou dans les Hauts-de-France.
Cette crise est triplement révélatrice d’une crise de la morale civique, d’une crise de l’Etat et d’une crise du politique.
Crise de la morale civique, d’abord : la CGT de TotalEnergies, majoritaire dans les raffineries, et occupant des fonctions stratégiques, engage une action préventive avant les négociations salariales prévues en janvier et prend le pays en otage. Du jamais vu, au point que la CFDT s’est publiquement désolidarisée du mouvement. Quand on connaît la rémunération mensuelle d’un opérateur de raffinerie chez TotalEnergies (4 300 euros par mois) et qu’on sait qu’ils ont bénéficié d’un intéressement moyen de plus de 9 000 euros cette année, on en mesure l’indécence. Les 2 400 salariés de Camaïeu, qui n’ont pas les moyens de bloquer le pays, n’ont, eux, que leurs yeux pour pleurer et la porte de Pôle emploi à pousser, sans émouvoir personne. La grève préventive est à la grève ce que la guerre préventive est à la guerre : un acte d’agression contre la totalité organique du pays.